Tribune d’opinion
Trente-six Congolais égorgés en deux jours, dans le territoire de Lubero, au Nord-Kivu. Ce n’est pas une statistique, c’est une tragédie. Les villages de Melia et Kenge pleurent leurs morts, pendant que les autorités centrales se murent dans un silence insoutenable. Pas un mot du Chef de l’État, pas de deuil national, pas de visite présidentielle. Dans l’Est, nous vivons une guerre que l’on ne veut pas nommer : un génocide silencieux.
Ce massacre met en lumière le fossé béant entre la capitale et les provinces meurtries. Tandis que Kinshasa s’affaire dans des séminaires et des costumes sur mesure, la population de l’Est subit au quotidien la barbarie des groupes armés. Les opérations militaires dites « Shujaa », censées éradiquer les ADF, n’ont apporté aucun résultat tangible. Les soldats envoyés au front sont mal équipés, mal nourris, mal commandés, et la population reste exposée comme une chair à canon.
Le pouvoir central donne l’impression que l’Est est une colonie intérieure, une zone sacrifiée, une périphérie dont la souffrance ne mérite ni attention ni justice.
Pourtant, nous refusons de nous habituer à la mort. Nous refusons de normaliser les fosses communes. Nous refusons d’être relégués au rang de victimes invisibles. On ne patiente pas devant la mort : on résiste.
Cette résistance n’est pas un appel aux armes incontrôlées, mais une mobilisation citoyenne. J’appelle les jeunes à transformer leur énergie en force de libération, les mères à transformer leurs pleurs en cris de justice, les soldats à refuser de servir une République de l’injustice, et les églises à cesser de prêcher la résignation pour devenir les relais d’une espérance active.
La dignité comme ultime frontière
Le problème de la RDC ne réside pas uniquement dans les armes des milices, mais dans la complicité silencieuse des élites. L’État congolais a abdiqué sa responsabilité première : protéger ses citoyens. Dès lors, le peuple doit devenir l’architecte de sa propre survie.
Nous ne réclamons pas des discours mais des actes : une armée réellement réformée, des routes sécurisées, des écoles ouvertes, et surtout, la garantie du droit fondamental à la vie.
À ceux qui croient que l’Est peut continuer à mourir en silence, nous disons non. Nos tombes deviendront des bastions de résistance. Il est temps d’un réveil national. La dignité ne se négocie pas : elle se défend, même au prix de la douleur. L’Histoire jugera sévèrement ceux qui auront choisi le confort du silence plutôt que la défense de la vie. Et l’histoire retiendra que, malgré l’abandon, le peuple de l’Est s’est levé pour refuser d’être esclave de la mort.
✍️ Hon. Tembos Yotama
Député honoraire de Butembo, engagé dans la lutte citoyenne, la défense des droits humains et la résistance aux antivaleurs.